Les médias sont des partenaires cognitifs et des agents de socialisation et l’urgence est de reconnaître que, si la culture n’est plus ce qu’elle était, il existe des « médiacultures » qui peuvent permettre de dépasser les clivages entre culture d’élite et culture de masse et que l’école doit prendre en compte. Reprenant la leçon des « cultural studies », soit la nécessité de reconnaître une tendance à l’autonomisation des pratiques populaires et minoritaires, de nouveaux sociologues portent un regard micro-politique sur le jeu des représentations « dans » et « hors » médias avec les identités de chacun : « C’est à l’intersection entre les réseaux d’insertion locaux (les groupes de pairs par exemple ) et les systèmes culturels proposés par les médias que l’on doit aujourd’hui observer le travail de sociabilité dans la culture et comprendre l’élaboration des hiérarchies de légitimité » écrit Dominique Pasquier. Ainsi, « les médias cessent d’être des industries plus ou moins aliénantes pour devenir de vraies médiacultures, des lieux faisant se rencontrer des mondes plus ou moins marqués par la défense et l’abandon d’identités» . On est passé en quelque sorte, dans les goûts et les pratiques culturelles, de « l’exclusion à l’éclectisme » ou « de la ségrégation des différences à leur coexistence ou addition ». La domination des classes sociales n’est pas abolie mais elle se distribue autrement, notamment à travers les réseaux (de pairs, de communautés…) construits selon un modèle soit « affinitaire » – produit des interactions quotidiennes (comme les conversations autour de tel ou tel talk-show ou soap-opéra) – soit « coopératif » (comme le phénomène des fans) ou « conformiste » (comme la tyrannie de la marque ou de la pression collective).
Et, pour bien montrer qu’il s’agit comme toujours plus d’évolution que de révolution, reprenons volontiers pour terminer cette définition de l’éducation aux médias donnée en 1991 par Ferguson : « Media education is an endless enquiry into the way we make sense of the world and the way others make sense of the world for us » . Elle a l’avantage de concilier les deux grandes conceptions qui ont traversé, et traversent encore, les pratiques et les discours sur l’éducation aux médias, l’une plus pédagogique et langagière, l’autre plus politique et citoyenne, et de s’ouvrir aux nouvelles exigences de l’école du XXIe siècle. Car c’est ainsi que se construit la vraie démocratie, dans sa dimension cognitive autant que politique, et non, comme on le dit et le répète trop souvent, en « mettant les technologies dans les mains des élèves ».